Le 1er Novembre, 2007 est le 100th anniversaire de la mort d'Alfred Jarry. Mais l'énorme notoriété du Père Ubu ne doit pas occulter les autres facettes de la bibliographie de son génial inventeur. A l'image du premier livre qu'il publia, les "Minutes de sable mémorial", assemblage composite de proses, de poèmes versifiés et de fragments dramatiques, où le grotesque et le sublime se mêlent, l'œuvre de Jarry se caractérise d'abord par sa singulière diversité : bigarrure de romans classiques et de fictions expérimentales, de critiques littéraires ou artistiques, de textes pour les formes de théâtre les plus inattendues, de chroniques, de traductions – et des almanachs, et une opérette, et un opéra bouffe. A sa mort, le premier novembre 1907, Alfred Jarry est misérable, isolé, oublié. Qui parmi les rares compagnons qui l'accompagnèrent jusqu'au bout, qui dans le cercle étroit de ses lecteurs, aurait alors pu imaginer l'éblouissante postérité qui lui était promise ? Les surréalistes, André Breton en tête, le salueront dès les années 30 comme un grand maître de l'humour noir. Il avait jeté dans son roman posthume, "Gestes et opinions du Docteur Faustroll, pataphysicien", les bases d'une science fantaisiste et paradoxale. Cette philosophie non conformiste - inventée par le Père Ubu en personne ! – lui survivra à travers un très solennel Collège de Pataphysique, institué en 1948 par un cercle d'artistes et d'intellectuels. Un siècle a passé, et Jarry n'a pas fini de se rappeler à notre souvenir. Le Père Ubu n'est pas près de retirer son nez pointu des petites et grandes affaires de ce monde. Faustroll va continuer ad libitum sa navigation circulaire au milieu d'archipels sur lesquels le temps n'a pas prise. Alfred Jarry a pour toujours vingt-trois ans, scandaleux dandy outrageant le tout-Paris des lettres, il a pour toujours trente-quatre ans, feu follet épuisé rendant son dernier souffle à l'Hôpital de la Charité, il est pour toujours l'enfant de cinq ans qui confie ses rêveries au fil paisible de la Mayenne passant sous le Vieux Pont de Laval. Tandis que toujours résonnent, renvoyés des angles les moins prévisibles de notre littérature, des échos de sa voix unique.
(Septembre 8, 1873 - Novembre 1, 1907)
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